Description
Chemin d’enfer est une improvisation de deux fois trente minutes, je crois. Parfois, Ă cette Ă©poque, je perdais complètement la notion du temps lorsque je jouais et je devais m’arrĂªter juste pour retourner la cassette. Le bout de morceau prĂ©sent sur le CD est le dĂ©but de ce que j’avais enregistrĂ©. C’est un bon passage parce qu’il y a une progression dans le son. Le morceau commence avec la sĂ©quence jouĂ©e assez haute puis elle est transposĂ©e progressivement vers le bas en mĂªme temps que le solo prend de l’importance.
A l’époque j’avais un problème de table de mixage qui a fait que j’enregistrais le son direct (sans effet) d’un côté, tandis que l’écho du son se retrouvait seul de l’autre côté. En fait cela donnait de la largeur au son et c’était plutôt agréable. La séquence de Floating de Schulze est enregistrée comme cela ; cela devait m’inspirer à l’époque.
La séquence tourne sur assez peu de notes mais j’ai utilisé le second canal pour contrôler le filtre VCF. Cette technique familière aux utilisateurs de modulaires permet de changer le timbre de chaque note. En ajoutant de l’écho sur la séquence jouée à un tempo rapide, on obtient facilement une impression de multitimbralité qui donne un caractère très vivant à la séquence, surtout comme si c’est le cas ici, des modulations de filtres (passe bas et passe haut) s’ajoutent aux variations de timbre propres à chaque note.
Partant de notes de cette séquence que j’avais mémorisé je m’exerçais souvent à la programmer rapidement. Ainsi, j’avais pu jouer une version très similaire de ce morceau lors de mon premier concert avec Lionel Palierne, à St Brévin. Pendant le concert, sur certains passages, Lionel doublait mes séquences à la main en jouant, en temps réel, sur son ARP Odyssey.
Cosmic Arp fait rĂ©fĂ©rence au synthĂ© prĂ©fĂ©rĂ© de Lionel de cette Ă©poque. En train de dĂ©mĂ©nager Lionel m’avait confiĂ© tout son matĂ©riel. A l’époque ce ne fut pas rien ! Je venais juste d’acquĂ©rir le Polymoog que je ne maĂ®trisais pas encore très bien et je me suis retrouvĂ© dans mon logement de 25 m2 , entourĂ© de mon set habituel enrichi d’un Minimoog, d’un Arp Odyssey et du tout nouveau polyphonique Yamaha CS70 M. La grande nouveautĂ© c’est qu’on disposait avec le Yamaha d’un sĂ©quencer digital et polyphonique, (mais sans mĂ©moires !). Je passais mes soirĂ©es Ă passer d’un clavier Ă l’autre, au point qu’un soir, la gentille locataire du dessus est venue me voir -sans s’attarder, dommage- pour me demander de baisser le son. Paradoxalement je n’ai rien enregistrĂ© au cours de cette pĂ©riode, me rĂ©galant trop Ă improviser sur le Mini ou l’Odyssey. Un soir, cependant, Lionel est passĂ© me voir après le boulot, – il craignait sans doute que je disparaisse avec tout le matos- et nous fĂ®mes cette improvisation basĂ©e sur deux notes basses qu’il avait entrĂ©es presque par hasard dans le sĂ©quencer du CS70M. Nous avions l’habitude, Ă cette Ă©poque, de jouer ensemble de longues improvisations dont peu ont Ă©tĂ© enregistrĂ©es malheureusement (ou heureusement pour certaines !). Sur scène, nous jouions des musiques qui commençaient Ă Ăªtre Ă©crites Ă l’avance. On avait, dĂ©jĂ , cette envie d’aller vers des choses un peu structurĂ©es mĂªme si mon manque de technique musicale limitait beaucoup nos ambitions. C’est, aussi, dans cette pĂ©riode, que nos concerts en duo prirent fin parce que nous sentions que nous allions dans des directions opposĂ©es. Lionel voulait travailler sur des harmonies s’inspirant de la musique contemporaine (Schoenberg) tandis que je cherchais Ă exprimer des choses simples passant par des repères mĂ©lodiques plus classiques. Mais notre amitiĂ© n’en a jamais Ă©tĂ© altĂ©rĂ©e. Nous nous sommes parfois retrouvĂ©s ensemble sur scène pour nous rendre des services, en particulier lors d’un concert Ă Treillières, oĂ¹ Lionel a jouĂ© un sublime solo de guitare que seul le premier rang a entendu parce que j’avais oubliĂ© de monter la voie de la table de mixage par laquelle passait le son de la Stratocaster. Il ne m’en a jamais voulu.
Dans le genre musique planante sĂ©quencĂ©e, j’ai certainement quelques morceaux supĂ©rieurs Ă Impro-vision, enregistrĂ©s Ă la mĂªme Ă©poque, mais ce passage est un bon tĂ©moignage de mon utilisation du module sample and hold polyphonique du Polymoog.
J’avais, déjà , depuis un moment, le Micromoog que j’appréciais, aussi, pour son propre sample and hold qu’on entend ici, et qui n’est pas sans rappeler l’utilisation qu’en faisait Klaus Schulze quelques années auparavant. Seul le début du morceau est ici enregistré afin d’éviter d’entendre la séquence qui manifestement se désaccordait.
A l’époque j’aurais voulu que « Le ciel est jaune d’un liquide inconnu » se soit trouvé enregistré sur mon premier disque. Serge Leroy et Christian Jacob qui avaient fondé l’association Crystal Lake essayèrent de trouver un financement en organisant une souscription à l’occasion des concerts du festival de Sheffield au milieu des années 80. Serge et Christian distribuaient la souscription qui annonçait « the most promissing french musician in the Schulze and Vangelis vein » lorsque le public sortait des concerts de Ian Body, de Manuel Gottsching ou de Wavestar. Ils n’ont pas obtenu le résultat souhaité mais je les remercie encore de leurs efforts. Le titre, « Le Ciel… » est celui d’une toile peinte par Françoise Duvivier. Françoise s’intéressait aux musiciens avant gardistes en général, à la musique industrielle en particulier, à celle de Klaus Schulze aussi.
Cette musique constitue pour moi le premier travail sĂ©rieux rĂ©alisĂ© avec un magnĂ©tophone multipistes. Jusque-lĂ , je n’avais fait que des prises en une seule fois. J’avais mĂªme hĂ©sitĂ© Ă acheter ce multipistes. Musicien en partie autodidacte, je me demandais si je saurais enregistrer une piste après une autre. Lionel savait le faire et je le trouvais gĂ©nial ! C’est aussi le premier enregistrement sĂ©rieux que j’ai fait avec le DX7 qui est restĂ©, avec le Polymoog, mon instrument prĂ©fĂ©rĂ©. Sur le Polymoog, j’avais trouvĂ© un rĂ©glage en combinant les quatre sorties qui me permettait de produire un effet de chÅ“ur. C’était une chose extraordinaire pour moi, Ă l’époque, et je me gardais bien d’expliquer Ă mon copain Jean-Christophe Allier, qui avait aussi un Polymoog, ma trouvaille. L’impression de pouvoir s’approcher du son Schulze Ă©tait exaltante. Le DX7 me permit de dĂ©velopper Ă la fois des programmes très personnels destinĂ©s Ă des musiques mĂ©lodiques comme des sons très avant-gardistes que peu de synthĂ©s pouvaient produire. On entend dans le morceau un son d’orage fait au DX7. On entend aussi des violons surprenants, programmĂ©s avec des effets de glissando polyphoniques.
Les séquences qui apparaissent dans la seconde partie du premier morceau sont programmées au MC202 qui fut mon premier séquencer numérique.
DX7 age et Little Dream sont issus d’une cassette qui a été mon second projet de disque jamais réalisé. Cette bande présentait de nombreux thèmes dans la veine de ceux qui sont entendus ici. Des passages plus séquencés m’avaient permis, aussi, de jouer des soli au Minimoog -qu’on entend dans DX7 Age avec un effet de portamento- que j’avais racheté à Lionel qui devait payer ses impôts. (L’administration fiscale ignore tout le mal qu’elle a fait, à cette époque, à la création artistique !).
The Music is Saved a la particularitĂ© d’avoir Ă©tĂ© enregistrĂ© sans sĂ©quencer. J’étais dans une pĂ©riode de transition : j’avais vendu le MC202 mais n’avais pas les moyens d’acheter le sequencer midi qui me faisait dĂ©faut. En revanche j’avais fait l’acquisition d’une Roland TR909– une erreur d’investissement ; cette boĂ®te s’est rĂ©vĂ©lĂ©e assez mĂ©diocre et il Ă©tait difficile de prĂ©voir l’intĂ©rĂªt qu’elle susciterait quelques annĂ©es plus tard auprès du public techno ! – qui permettait de dĂ©clencher des notes midi (le DX7) Ă chacun des pas de la boĂ®te ! En gros, il fallait programmer un rythme inĂ©coutable pour obtenir un arpège comme celui qu’on entend ici, et cette programmation pouvait prendre des heures.
Moog Stange et Goom souvenir (Moog Ă l’envers) sont lĂ uniquement pour le souvenir du bonheur que j’avais Ă jouer du Minimoog. mĂªme sur un accompagnement très peu intĂ©ressant. Dans le second morceau l’accompagnement est rĂ©alisĂ© par un accord de DX7 qui subit une modulation d’amplitude de forme carrĂ©e ; ce n’est pas une sĂ©quence.
Rencontre manquĂ©e est extrait d’une bande de deux fois 30 minutes environ que j’avais enregistrĂ©e Ă la demande de Serge Leroy et de Christian Jacob. Mes deux amis parisiens m’avaient fait cette proposition : « Enregistre une sĂ©quence d’enfer comme tu sais si bien le faire et nous, on ajoutera les sons de nos gros synthĂ©s modulaires analogiques par-dessus ! ». Finalement j’avais enregistrĂ© deux versions : une face entière de la cassette contenait seulement la sĂ©quence avec des transpositions et des variations et une face contenait la mĂªme chose agrĂ©mentĂ©e de quelques parties de Polymoog. C’est un extrait de cette seconde face qui se trouve ici. Le projet de collaboration n’a malheureusement jamais abouti.
Midi-Station est un morceau entièrement sĂ©quencĂ©, en pas Ă pas, au Yamaha CX5M, le premier ordinateur musical midi. Le thème de la sĂ©quence basse reprend des notes que j’avais trouvĂ©es des annĂ©es auparavant sur le sequencer analogique SQ10 Korg. Le CX5M possĂ©dait son propre gĂ©nĂ©rateur sonore Ă quatre opĂ©rateurs (FM), mais obtenir un son de qualitĂ© nĂ©cessitait un travail de programmation considĂ©rable. Le CX5M sauvegardait ses programmes sur cassette (interface cassette) mais lors d’un concert Ă Chatenay Malabry, organisĂ© par l’association Crystal Lake, mon ordinateur se mit Ă produire des notes diffĂ©rentes de celles que j’avais programmĂ©es. Il produisait SA MUSIQUE. J’avais dĂ» m’arrĂªter de jouer, expliquer au public les alĂ©as de l’électronique – « j’ai perdu le contrĂ´le de la machine, elle a pris le pouvoir ! » – pendant le rechargement du programme qui pouvait prendre plusieurs minutes. Enfin j’ai repris le morceau, depuis le dĂ©but. Parce qu’en ces temps obscurs, il n’était pas possible, techniquement, de reprendre autrement qu’au dĂ©but, mĂªme un morceau de trente minutes !
Au-DelĂ du PassĂ© est une improvisation basĂ©e sur une sĂ©quence de CX5M qui Ă©tait destinĂ©e Ă produire un morceau plus construit. Le Polymoog est utilisĂ©, ici, Ă grand renfort d’écho ce qui est plutĂ´t inhabituel sur un son de nappe. Lors du pĂ©riple des membres de Crystal Lake au festival de Sheffield, lors du voyage de retour, cette musique permit d’attĂ©nuer la nostalgie – la fin d’un rĂªve Ă©veillĂ© – de quelques passagers qui s’en souvienent peut-Ăªtre encore. Le voyage se termina par une tentative infructueuse de Serge et de Christian d’interviewer Michel Rocard, rencontrĂ© Ă la gare du Nord, sur l’avenir de la musique Ă©lectronique en France.
Avis
Il n’y a pas encore d’avis.